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(FR)

Oseriez-vous sortir du cadre ?

02/07/2020Béatrice Gérard

La première perception de l’espace se fait par le corps.

La première perception d’un lieu que l’on aborde se fait par le corps physique inconsciemment sur lequel l’esprit n’a pas de prise.

Architecte spécialisée dans le langage non verbal de l’espace, je désire replacer l’homme au coeur de son environnement de travail et cadre de vie.

Pour cela il est important de connaître le fonctionnement de l’être humain, ses besoins fondamentaux et de ses 3 cerveaux.

Notre corps est l’interface par laquelle nous interagissons avec le monde.

L’environnement spatial est alors un facteur fondamental et vital dans le bien-être de l’homme.

L’espace est toujours vital. Il a un pouvoir, il peut contraindre le corps ou le déployer.

Savoir s’adapter et utiliser toutes nos facultés, notamment stimulées par nos cerveaux-reptilien, limbique et néocortex-, est alors nécessaire pour éveiller notre conscience à cet espace et profiter ainsi pleinement de ses bienfaits.

Je propose de porter un autre regard sur l’espace et de sortir du cadre quelle qu’en soit sa nature.

Il y a ce qui est dans le cadre et ce qui hors du cadre

Sortir du cadre et de ses limites permet de prendre du recul, afin de retrouver une vision globale et retourner dans le cadre avec une vision élargie.

«Le cadre peut restreindre les libertés au point d’étouffer les sujets qui y sont dessinés mais plus il leur permettra de s’évader en tenant compte des règles établies, plus il en sortira grandi...»

S’approprier un lieu en marquant son territoire garantit le caractère rituel de la relation

Ce marquage du territoire fournit un cadre à l’activité, régi par des règles.

Pour sortir du cadre, il est nécessaire d’avoir un cadre. Ce cadre qui n’est rien d’autre que notre territoire.

Oseriez-vous sortir du cadre ?

Nos territoires ont été malmenés pendant ce confinement, première source de conflit quand il empiète sur celui de l’autre. Toute intrusion dans l’espace vital provoque des réactions défensives (agressivité, anxiété, etc…)

Cette situation nous a permis de nous rendre compte de leur nécessité et de les revendiquer.

Le rôle du marquage du territoire est de maintenir une distance entre son espace vital et personnel et celui des autres. Il permet de filtrer notre relation à autrui, autrement dit de réguler les interactions avec l’environnement via une distance. C’est le type de distance qui caractérise ou permet d’identifier le type de territoire spatial. Il se matérialise par des frontières réelles, fixes et mobiles, visuelles ou virtuelles.

Cette distance physique appelée distance sociale dans l’espace social : le « maai » est la distance harmonieuse qui nous relie aux autres et à ce qui nous entoure

Comment, dans un cadre défini, sortir du cadre ?

Derrière le travail virtuel conventionnel, le confinement a révélé l’importance des rituels sociaux qui au delà de la distance physique introduisait de manière informelle un brin d’humanité

L’entreprise comme nos lieux de vie renferment 2 types d’espaces : Les espaces (de production) conventionnels et les espaces (de production) inattendus

Les espaces de production conventionnels représentent les lieux de travail identifiés, visibles par exemple : les bureaux, salles de réunion, […] Dans ces espaces, on adopte une stratégie formelle et des comportements codifiés (hiérarchie, etc…)

Les espaces de production inattendus, quant à eux représentent des lieux de travail anodins, insolites et inexploités tels que la zone d’ accueil, couloirs, cafétéria, etc, ...Dans ces espaces, on adopte une stratégie informelle et des comportements spontanés (relation, lien, interaction), sans pression sociale et sans stress , un vrai lâcher-prise, ils favorisent l’échange informel, raison pour laquelle ces lieux sont des lieux de créativité, ou le «sérendipité» peut s’exprimer (se développer) sans contrainte et dans le lâcher-prise

Les lieux, par leurs configurations architecturales, couleurs, formes, aménagement, dispositions, éclairage inadéquats peuvent générer de l’anxiété due à l’insécurité qui s’en dégage et ainsi entraîner un stress, de l’agressivité qui entrave toute communication et paralyse toute action.

Ces lieux qui nous façonnent

Ce sont nos rapports aux lieux qui nous façonnent, nous entravent ou nous libèrent.

Nous incarnons des lieux qui rendent possible l’expression de nos émotions et de nos motivations. Nous faisons corps avec notre milieu de vie.

L’espace est trop souvent une conséquence résiduelle et non un choix essentiel dont on mesure rarement l’impact sur les comportements.

Il est bien aussi de maintenir des espaces résiduels, les friches où la nature reprend ses droits, histoire de rappeler à l’homme qu’il n’a pas tous les droits. Cette nature qui s’est révélée à nous pendant le confinement plus florissante que jamais dans la magie de ses silences ou plutôt dans cette absence de « bruits ».

La dimension cachée...Et si....

L’espace lui nous révèle. Les murs parlent…de nous; son langage implicite en dit plus long sur nous que les mots.

Et si l’espace avait ce pouvoir de modifier les comportements, de les exacerber de les apaiser ou les contraindre ?

Et si l’espace ne se pensait pas, s’appréhendait d’abord, non par la pensée mais bien par la perception multi-sensorielle.

Et si chaque contact avec un lieu faisait naître une sensation, une émotion positive ou négative qui nous encourage à aller plus loin ou au contraire nous paralyse ou nous rend nerveux.

Et si l’espace était un langage (ensemble de caractères, symboles et de règles qui traduisent nos sentiments... qui nous révèle

Et si l’espace induisait une ritualisation des comportements

Et si cet espace par le bien-être qu’il induit chez ses occupants était apaisant, sécurisant et enfin générateur d’émotions, bref unlevier de stimulation.

Et si nous apprenions ensemble à en cerner les contours, à le déchiffrer pour mieux l’exploiter.


Béatrice Gérard / Architecte spécialisée dans le langage non verbal de l’espace